23/11/2016

Les sculptures marines animées de Yutaka Kamiyama




Peintre, sculpteur et artisan, capable à la fois de concevoir des machines complexes et de reproduire minutieusement la nature, Yutaka Kamiyama est un artiste japonais polyvalent, actif depuis plus de vingt ans dans une petite ville balnéaire près de Tokyo.
Grand observateur du monde marin, il réalise de sublimes sculptures cinétiques de bois, inspirées de la faune marine, tout en enseignant la peinture et l’artisanat en parallèle. Ses sculptures animalières, minutieuses et délicates, sont en réalité des machines complexes, particulièrement ingénieuses : ses animaux marins de différentes tailles sont disposés sur des socles de bois sculptés qui empruntent des formes diverses évoquant tour à tour des algues, des coraux ou encore les ondulations de l'eau. Ces structures sont dotées de manivelles permettant d’actionner les engrenages et d’animer chaque créature marine réelle ou imaginaire. Ces sculptures cinétiques plongent le spectateur dans un univers onirique, où prend vie tout un bestiaire aquatique dont chaque pièce de bois qui composent le corps de l’animal se meut individuellement. Lorsqu’ils sont animés, grâce à l’action de la manivelle, on assiste à un ballet étrange où les danseurs sont des baleines, des espadons, des cachalots, des rascasses, des sirènes ou encore des poissons des abysses, flottant dans les airs avec grâce, sans véritablement se déplacer. La poésie qui se dégage de ce spectacle est encore renforcée par les transformations d’échelles que subissent ces animaux : la sèche semble presque aussi grosse que la baleine, la rascasse plus imposante que le cachalot. Ce jeu d’échelle évoque aussi bien les maquettes de sciences naturelles que des jouets anciens élaborés et forment un ensemble ludique, pédagogique, accessible et particulièrement attachant.





Faites de matériaux naturels et liées au mouvement du corps, ces sculptures animalières s'éloignent de la technologie et la robotique pour rejoindre les Sciences naturelles et l’observation de la vie. Elles explorent la dialectique entre l’artiste, le public et l’animal mais surtout interrogent les liens entre l’Homme et la Nature. L'homme est en effet un élément de l'œuvre, au même titre que la structure de bois. Celle-ci suit  sa propre grammaire, telle que la conçoit l'artiste: « Le corps principal est sculpté dans du bois de cyprès, de camphre et de ginko; ces bois ont une forte portée symbolique au japon et sont notamment utilisés pour les Statues de Bouddha d'antan. Pour la plinthe et les parties mécaniques, j’emploie un bois plus dur tels que le chêne vert, le cerisier, l’orme, le châtaigner et l’érable. Chaque bois a son propre caractère, leurs différences peuvent être vues en observant leur couleur, leur parfum, et leur viscosité. Je suis profondément fasciné par chaque propriété de ces bois et je vois la vie d'un arbre à travers chacun d’eux. En utilisant le bois, mon intention est aussi de ranimer la vie de l'arbre sous une nouvelle forme. » La démarche de réanimation du vivant entreprise par Yutaka s'exprime dans l’adresse dont il fait preuve dans sa manière d’imiter les gestuelles animales.






Chaque animal factice de Yutaka Kamiyama emprunte précisément la gestuelle que son modèle vivant effectue pour se déplacer sous l’eau, ajoutant ainsi à l’impression de réalisme mais surtout à la poésie qu'il y a à donner au bois, sous la forme d'animaux, une nouvelle vie. Le mouvement ne génère pas de déplacement mais reproduit la manière de se mouvoir de chaque animal, de façon plus lente, décomposée en gestes mécaniques, ce qui permet d’apprécier avec plus d’intimité le rythme de l’animal. Cette décomposition du mouvement évoque les photographies de Jules-Etienne Marey, ou d’Eadweard Muybridge, qui présentent à la suite des tirages de chaque geste qui composent le comportement d’un animal. Néanmoins, les animaux marins de Yutaka Kamiyama s’animent d’un élan réel et non suggéré par deux dimensions ; à la manière des sculptures mobiles d’Alexander Calder, des machines de Jean Tinguely, des travaux des constructivistes ou encore ceux de certains artistes numériques, ce mouvement participe entièrement à l'oeuvre. L’artiste insiste sur cet aspect essentiel : « Je considère qu’une pièce n’est complète que lorsque l'auditoire anime la sculpture en actionnant la manivelle. La participation du public fait partie intégrante de l’œuvre. »  Yutaka Kamiyama a pour vocation de rendre le spectateur acteur de sa propre perception, de l'entraîner dans une dynamique d'élargissement sensoriel et sémantique. Chacune de ses sculptures se vit comme une expérience. L’action de la manivelle permet d’entendre les craquements du bois, les grincements des engrenages et les chocs des pièces articulées, créant ainsi un paysage sonore unique, explorant les qualités plastiques du son du bois. Contrairement aux formes d'art traditionnelles où l'interaction entre l’œuvre et le spectateur est surtout un événement mental, de l'ordre de la réception, ces machines interactives multiplient les expériences sensorielles et participent d'un art total alliant peinture, sculpture, scénographie et animation.




En combinant ses connaissances techniques et biologiques à une poésie subtile et onirique, Yutaka Kamiyama parvient à reproduire la nature par la mécanique. Ce procédé rappelle les animaux marins animés de Bob Potts, mais Yutaka Kamiyama se distingue de ce dernier par son emploi de matériaux naturels et surtout par la minutie de ses réalisations : « J’ai réalisé la première pièce de cette série il y a sept ans, après ma rencontre avec un cachalot de 15 mètres de long, échoué sur la plage près de chez moi. Sa taille et sa forme m’ont frappé et depuis lors, j'ai un grand intérêt pour la vie marine et son environnement, que j’observe durant de longues heures chaque jour. Je suis également préoccupé par sa sauvegarde et mon travail consiste également à faire prendre conscience de l’aspect crucial de la protection de la faune marine ». Ainsi, chaque animal marin dépend du spectateur pour s’animer et ce n’est que lorsque le spectateur agit que l’animal prend vie. Ce procédé permet ainsi de prendre conscience de l’importance de l’action individuelle dans la sauvegarde de la faune marine, dont l’équilibre fragile est menacé.




La faune marine cinétique de Yutaka Kamiyama, déjà reconnue au Japon, a été présentée récemment à Paris, lors du Salon Art Shopping 2016, où il a exposé une baleine de son bestiaire : « C'était vraiment une bonne expérience pour moi, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens du monde entier qui ont montré de l’intérêt pour ma pièce. » J’ai moi-même eu l’occasion de l’actionner, de sentir les mécanismes de bois se mettre en branle et de voir l’animal prendre vie de manière tout à fait remarquable. Cette expérience aussi ludique que poétique fige le temps et on peut se prendre à rester longtemps à actionner la manivelle tout en regardant l’animal se mouvoir. Ces pièces seront exposées lors de deux événements au Japon au cours de l’année 2017 : « Mes plus grandes pièces seront exposées durant l’exposition «Kokuten», une exposition collective au Centre national d'art à Tokyo en mai prochain. Je prévois également de montrer mon plus grand travail tridimensionnel durant «The 27th UBE BIENNALE» dans la préfecture de Yamaguchi, au Japon, en août prochain. »
J’invite le lecteur à se rendre sur le site de Yutaka Kamiyama dont le lien se trouve ci-dessous afin de suivre l’évolution de son travail et de découvrir l’intégralité de ses sculptures cinétiques.

03/11/2016

Les paysages urbains de Julien Peschard


Julien Peschard est un artiste polyvalent, à la fois peintre, photographe et sérigraphe, qui réside et enseigne en région parisienne. Après une initiation artistique auprès de plusieurs ateliers à Paris, il poursuit son cursus à l’UFR d’arts plastiques de l’Université de la Sorbonne, où il obtient une licence puis un Master. Il se tourne ensuite vers l’enseignement, d’abord dans un cadre associatif, puis, à partir de 2009, en collège et lycée où il occupe la fonction de professeur certifié d'Arts plastiques : « Je dois beaucoup à mon professeur de lycée, dont l’enseignement fut le point de départ de mon parcours artistique mais aussi professionnel. Je ne suis pas devenu peintre et enseignant par hasard. Ce monsieur a suscité l’intérêt, le gout de la recherche et du travail et je lui en suis très reconnaissant. C’est aussi simplement pour cela que j’ai souhaité à mon tour, transmettre ma passion auprès des jeunes ». 

 16h15, 50 x 50 cm, 2016

Partagé entre création et transmission, Julien Peschard réalise des peintures mixtes, combinant acrylique, encre et peinture à l’huile, qui représentent des vues panoramiques de paysages urbains où n’apparait aucune figure humaine. Les masses des bâtiments se détachent par chaque touche de peinture et les formes sont épurées : aucune fenêtre, antenne, cheminée ou autre élément ne vient distraire le regard et la pensée. Cette économie de moyen évoque une image synthétisée de la ville en tant qu’entité disproportionnée devant laquelle l’être humain saisit sa propre fragilité et éprouve le sentiment du sublime. L’artiste travaille principalement au couteau, appliquant chaque couleur de manière à créer des effets de lumière et profondeur et utilisant chaque ajout de matière pour constituer ses bâtiments. Les traces des mouvements faits par le couteau ou le pinceau restent visibles, la touche est épaisse, ce qui donne aux tableaux un aspect inachevé, proche du flou photographique. Le couteau semble déposer simultanément plusieurs couleurs, emprisonnées dans la matière, qui font vibrer la surface. Ce travail de la matière offre une dimension presque sculpturale à ses peintures et le spectateur peut reconstituer par la pensée chaque ajout de matière fait par le peintre : « L’empâtement est en effet une des composantes importantes du travail de la surface de mes toiles, au même titre que la taille des touches et les nuances de couleurs. Elle s’obtient par l’accumulation des couches, ce qui donne à la toile un grain particulier, une épaisseur. Cependant, le risque d’obtenir un résultat « brouillon » me pend souvent au nez. En effet, à force d’accumuler la matière et donc les couleurs, la peinture peut tout aussi bien se désagréger, disparaître pour finir par ne ressembler à rien. Si l’on perd de vue l’idée initiale, le risque que la composition de la toile ne soit chargée que d’une accumulation de matière devient fort. Sur le plan technique donc, le couteau ne doit pas être chargé à l’excès car cela nuit tout à la fois à la glisse, à la maitrise du motif et des aplats. »

 Détail

 La ville, symbole par excellence de la civilisation en occident, nourrit l'imaginaire de nombreux peintres, cinéastes, romanciers, philosophes, designers, architectes, artistes plasticiens, artistes numériques, etc. Qu’elle soit contemporaine, futuriste, disparue ou fantasmée, son organisation est constamment soumise aux recherches de structure et de profondeur et sa portée symbolique ne cesse d’être exploitée. Pourtant, face aux villes de Julien Peschard, un sentiment de fascination bien particulier saisit les sens et  renouvelle l’expérience esthétique du quotidien. La société urbanisée en constante évolution dans le temps et dans l’espace est reconstruite de manière imaginaire : sur certaines toiles, on croit reconnaître des endroits familiers, sur d’autres on est transporté dans des villes exotiques, difficile à localiser précisément et qui invitent au voyage. Parfois, un élément architectural offre une piste topologique pour identifier la ville. Une série de toile est ainsi inspirée de vues de Paris :« Pour la série des peintures sur Paris, j’ai souvent incorporé un élément identifiable tel que le Sacré-Cœur, la Tour Eiffel, ou le quartier de La Défense. Cependant, de manière générale mes villes sont composées à partir d’un métissage de paysages croisés au cours de voyages et issus de mon imagination. J’aime l’idée que la toile quitte les rivages de la figuration sans toutefois s’en éloigner totalement. Ainsi, celui ou celle qui regarde peut tout à la fois identifier le thème de la ville, mais en imaginant l’endroit qu’il ou elle souhaite voir. »

 Paris, 8h21, 80 x 120 cm

 Paris, 19h32, 50 x 50 cm, 2015

Julien Peschard ne se contente pas de jouer avec la notion d’espace mais s’intéresse également à celle de temps. Les titres de chaque toile sont des horaires précis, qui correspondent à l’heure du jour ou de la nuit à laquelle l’artiste associe le paysage qui est représenté. La temporalité constitue le sujet de la toile aux yeux du peintre et l’espace de la ville se voit modelé différemment selon les conditions météorologiques : « Les couleurs, contrastes, la tonalité du ciel sont autant d’ingrédients qui me dictent le titre, une fois la peinture achevée. Assez curieusement, il arrive fréquemment que je termine le tableau à l’heure qu’il évoque. Je me sers donc souvent de l’heure à laquelle je termine le travail pour fixer cela. L’histoire d’un tableau (Paris, 00h23) est à ce propos assez mystérieuse. J’ai commencé cette peinture le soir des événements du 13 novembre à Paris. Comme d’habitude, j’étais enfermé dans mon atelier. J’avais commencé ma toile et m’étais dit « ce sera un Paris, de nuit ». Pendant que je travaillais mon ciel nocturne, allant d’un noir bleuté jusqu’à un rouge (que j’estimais alors exagéré) pour exprimer le reflet des couleurs de la ville, le téléphone sonnait avec insistance. Agacé, j’ai donc abandonné le travail mais conservé le ciel. J’apprendrais ensuite ce qu’il se passait. J’ai repris la toile longtemps après, non sans appréhension, sans jamais retoucher le ciel et son reflet rouge. Et puis, le hasard a fait le reste : un couple habitant à 20 mètres du Bataclan, et dont la fille était cachée en pleine rue le soir du 13 novembre, en a fait l’acquisition lors d’une exposition, sans connaître son histoire de prime abord. Lorsque je leur ai expliqué, et qu’ils m’ont dit où ils résidaient, nous étions tous les trois bouleversés du destin de ce tableau. « 00h23 » correspond à l’heure de fin de toutes ces horreurs. Mais il fallait le savoir ! »

 Paris, 13/11, 00h23, 50 x 100 cm, 2015-16

Les oeuvres de Julien Peschard invite à vagabonder dans les villes, à arpenter les avenues et les ruelles qu’on imagine entre les touches de couleurs qui forment les bâtiments et à se perdre dans la profondeur du champ. Ces cités faites de carrés et de rectangles en relief, répondent à un tracé qui tente de donner sens à l’espace de la ville mais surtout qui s’attachent à révéler la vie qui l’habite. Il s’agit aussi bien de montrer la vie des êtres qui y résident que de révéler la vie inhérente à la ville elle-même. Les mosaïques de couleurs restreintes, à la fois structurées et chaotiques, semblent en mouvement et leur relief important accentue encore cette sensation ; comme si la ville, en constante expansion, pouvait à tout moment sortir du cadre. Les villes de Julien Peschard, presque vivantes, ont un aspect dérangeant et presque effrayant : « De mon point de vue, la ville est à la fois sublime et effrayante pour des raisons presque similaires. De par les couleurs, les motifs qu’elle donne à voir. Les villes que l’on surplombe ressemblent parfois à des océans, des masses gigantesques et tentaculaires. Lors d’une exposition, quelqu’un m’a dit que mes peintures « grouillaient de vie » et que si cela était « réussi », c’était aussi « très oppressant ». Voilà une définition que j’ai trouvé cohérente. »

 02h28, 100 x 100 cm, 2016

Ses compositions urbaines géométriques à la palette chromatique restreinte ne sont pas sans évoquer les paradigmes propres au mouvement cubiste. Ainsi, les variations chromatiques ne semblent pas conçues comme reproduction de la réalité mais plutôt comme composition d’ombres et de lumières, de pleins et de vides que l’emploi du carré et du rectangle renforcent. Pourtant, Peschard marque sa distance avec ce courant: « Assez curieusement, je ne suis pas très sensible à ce qu’on peut qualifier de « cubiste ». Bien que l’on associe souvent mon travail à cela, je ne m’en revendique pas. Je préfère davantage considérer mes toiles comme des mises en scène jouant sur les rapports entre les plages de couleurs et les volumes (carrés, rectangles), parfois cernés par des traits/lignes. En réalité, l’aspect « cubiste » est davantage conditionné par l’outil (le couteau) que par une volonté de produire un motif géométrique. »

 19h39, 120 x 80 cm, 2016

Au-delà de cet aspect géométrique, Julien Peschard explore la poésie fiévreuse de la ville, démesurée et bourdonnante, au travers de grandes compositions qui évoquent les paysages abstraits, denses et fragmentés de Vieira da Silva, ou encore ceux de Zao Wou-Ki, aussi nerveux et puissants que poétiques. L’attention qu’il accorde aux conditions atmosphériques, qui sont le sujet de ses œuvres, rappelle naturellement le courant impressionniste. Julien Peschard construit en effet son oeuvre dans une connaissance profonde de diverses traditions picturales : « J’apprécie particulièrement le travail des artistes du paysagisme abstrait telle que Vieira Da Silva. Bien entendu je m’intéresse également au travail de Maîtres comme Van Gogh, Monet ou Bonnard. Le courant impressionniste, de manière générale, m’inspire également. Par exemple, je voue une admiration sans borne à Turner. Essentiellement pour son travail acharné sur la lumière, la couleur. J’admire la puissance de son œuvre pour la vérité qu’elle dégage. De toute l’histoire de l’art, il fait partie des rares qui ont observé de manière très pointue les phénomènes naturels et leurs variations chromatiques inépuisables, saisies sur le vif et en plein air. Je pourrais parler pendant des heures de ses couchers de soleil dorés, de ses marines bleutées, de ses paysages éblouissants ou flamboyants. J’apprécie également le travail de Gherard Richter, notamment ses peintures sur la ville qui explorent la construction, le rapport aux masses. Je me suis également beaucoup intéressé aux théories scientifiques et philosophiques sur la couleur et notamment aux travaux d’Isaac Newton, de Johann Wolfang von Goethe, mais aussi de Charles Baudelaire. »

19h47, 100 x 50 cm, 2016

 Paris, 10h16, 100 x 100 cm, 2015

L’approche sensorielle de Julien Peschard fait également écho à son travail photographique, parallèle à sa production picturale. Il est possible de distinguer ses propres pérégrinations urbaines, son intérêt pour l’instantané et l’aspect éphémère des variations météorologiques, qui transforment l’image et déterminent l’ambiance de la toile dans ses compositions picturales : « La plupart du temps, la photographie est un élément déclencheur de mon processus de création. Lorsque le temps me le permet, j’aime chercher, puis sélectionner des points de vue souvent panoramiques, offrant une large et belle perspective. Cela vient très probablement de mon intérêt – que dis-je... – de ma Passion pour l’orage. Lorsque la saison estivale approche, je délaisse souvent la peinture pour aller observer et photographier ce phénomène météorologique qui me fascine par sa puissance et sa splendeur. Simplement, cela nécessite une bonne dose de patience. A la fois pour dénicher des points de vue bien orientés et suffisamment dégagés mais aussi car l’orage est comme une bête sauvage : imprévisible et ne se laissant pas facilement approcher. Durant ces déplacements, donc, je prends souvent beaucoup de photographies, et effectue quelques croquis préparatoires à l’encre pour la recherche des couleurs. Ces « promenades » sont essentielles à mon processus de création. Le cadrage de mes composition picturales, toujours le même, rappelle ces points de vue en hauteur et dégagés que j’évoquais plus tôt. Bien entendu, cela évoque aussi le recul que j’aime prendre par rapport à l’espace urbain. J’aime l’agitation d’une grande ville mais dans le même temps, cela peut m’oppresser. Voilà pourquoi les vues sont pensées avec du recul. »

 08h34, 80 x 80, 2015

L’intérêt que porte Julien Peschard au céleste transparait de manière frappante dans ses toiles, qui laissent presque systématiquement voir une part de ciel plus ou moins calme. Or, peindre le ciel, c’est peindre une atmosphère : qu’il soit lourd et menaçant, flamboyant, rougeoyant, translucide, nuageux, d’un bleu vibrant ou obscur, le ciel détermine l’aura de la toile. Il complète le motif de la ville aussi bien qu’il s’y oppose ; et, de manière intéressante, l’artiste provoque généralement un contraste stylistique et de matière entre le ciel et la ville. Ce procédé, aussi bien esthétique que symbolique, cristallise l’opposition célèbre du couple idéologique nature-culture, que l’artiste explore dans ses toiles : « Le ciel constitue un élément indispensable dans mon travail. Sa proportion dans la composition de la toile est presque toujours inférieure à celle du paysage terrestre. Cela ne veut pas dire que cette part est moins importante, au contraire. Elle surplombe l’espace de la toile. Je peux passer et revenir dessus pendant deux, cinq, dix jours, parfois davantage. Tant qu’un ciel ne me convient pas, je continue de le façonner. J’accorde une importance particulière à ce que celui-ci peut dégager. Dans ses formes, ses couleurs, il conditionne l’ambiance générale de la toile. Je passe énormément de temps à scruter le ciel et tenter de déchiffrer les multiples couleurs que celui-ci peut offrir, selon les conditions météorologiques. Tout ceci évolue du matin jusqu’au soir. Chaque journée est différente, il n’y a pas deux ciels qui soient identiques et je trouve cela fascinant. Dans un paysage, la part de ciel offre au peintre une liberté créative quasi inépuisable. De plus, je souhaite alimenter la réflexion sur le contraste symbolique entre la Nature et l’autre nature, celle transformée par l’homme. J’ai toujours souhaité que mon travail donne à voir cette opposition nature/culture. La condition de l’homme face à la nature m’intéresse particulièrement. C’est pourquoi le ciel dans mes tableaux est souvent agité et parfois apocalyptique. L’homme peut se développer et grignoter la nature pour bâtir ses villes gigantesques mais n’est jamais aussi vulnérable que lorsqu’il est seul face à la puissance des éléments naturels. C’est d’ailleurs ce que je recherche lors de mes chasses photographiques. J’ai besoin d’être au plus prêt pour contempler cette nature qui nous dépasse et nous rappelle notre statut et notre place. »


 Paris, 16h25, 50 x 50 cm, 2015


15h29, 150 x 120 cm, 2016

Julien Peschard accède à l’intimité des rythmes profonds qui animent la cité, si bien que l’on vient à se demander si cette ville est véritablement un paysage ou bien un personnage, à la fois inquiétant et familier. On y pressent son projet de s’intéresser prochainement à la figure humaine au travers du thème de la foule « dont l’accumulation des sujets me rappelle celle des bâtiments qui forment la ville. » 

Julien Peschard expose en France depuis quelques années et a été récompensé au Printemps des Artistes de Maisons-Laffitte en 2010 et au salon de Mantes-la Jolie en 2016 : « Une de mes peintures a gagné le Grand prix du Salon Arbuste de Mantes-la-Jolie et a été sélectionnée pour participer à la grande aventure du Salon d’Automne à Paris. Ce fut un bel événement que de se retrouver exposé dans cet endroit prestigieux et riche en histoire. Je travaille actuellement sur de futures collaborations avec des galeries. Deux projets d’exposition devraient voir le jour l’an prochain, l’un à Honfleur et l’autre à Paris. » Afin d’en apprendre d’avantage sur ces projets futurs et de découvrir l’intégralité du travail de Julien Peschard j’invite le lecteur à se rendre sur son site dont le lien se trouve ci-dessous :